Jean Moulin, le symbole de la Resistance

Comment parler de la Resistance française sans évoquer Jean Moulin ? Grand homme de son époque, célèbre pour son héroïsme et son sens du sacrifice hors du commun, son nom est, encore aujourd’hui, connu de beaucoup. Mais qu’en est il de sa vie ? Je vous propose de la découvrir ici…

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Son enfance et ses études

Jean Moulin, fils d’Antoine-Emile Moulin et de Blanche Elisabeth Pègue et frère de Laure et Joseph Moulin, né le 20 juin 1899, à Béziers. La situation aisée de sa famille lui permet une enfance paisible, guidée par son père, un fervent républicain, et les valeurs civiques qu’il lui transmet telles que l’instruction, le travail, la justice, la vérité, la tolérance et la solidarité.

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Avec sa sœur Laure

Après avoir obtenu son bac à lauréat en 1917, Jean Moulin se dirige ver des études de droit et ,grâce à la position de conseiller général de l’Hérault de son père et les bonnes relations que celui-ci entretenait avec le préfet, il accède au poste d’attaché au cabinet du préfet de l’Hérault, sous la présidence de Raymond Poincaré.

 

Son enrôlement dans l’armée et son parcours dans la politique

En 1918,  lors de la Première Guerre mondiale, le jeune homme est mobilisé par l’armée mais ne sera finalement jamais envoyé au front, sauvé de justesse par l’armistice. Il est alors démobilisé en 1919 et reprend directement ses activités auprès du préfet avant d’obtenir, en 1921, sa licence de droit. Sa passion de la politique et la qualité de son travail font de lui le plus jeune sous-préfet de France en 1925.

Un an plus tard, il se marie avec Marguerite Cerruti mais divorce quelques temps plus tard à peine car cette dernière « s’ennuyait à la Préfecture ». Jean Moulin devient par la suite chef du cabinet du Ministère de l’Air du Front populaire en 1936 et démontre une fois de plus son engagement en soutenant activement le parti républicain au cours de la guerre d’Espagne. Il enchaîne par la suite le poste de préfet d’Aveyron (1937) puis celui de préfet de Chartres (1939) quelques temps avant l‘invasion de la France par les Allemands.

 

Son premier acte de résistance

10 mai 1940, la France est envahie par l’Allemagne. S’étant vu refuser sa démission par l’administration, Jean Moulin n’aura pas l’occasion de s’engager pour la France comme soldat malgré sa conviction que

« Sa place n’est point à l’arrière, à la tête d’un département essentiellement rural ».

Le 17 juin 1940, les nazis lui soumettent une déclaration attestant de la culpabilité de tirailleurs sénégalais dans des crimes divers. Mais Jean sait qu’il n’en est rien et réalise alors son premier acte de résistance, il refuse de signer. Menacé et frappé, il tente de se suicider en se taillant la gorge.

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Photo envoyée à sa famille pour la rassurer

 

« Je ne peux pas signer, je ne peux pas être complice de cette machination qui n’a pu être conçue que par des sadiques en délires ».

Contre toutes attentes, les Allemands concluent à un malentendu et le jeune préfet est finalement sauvé de justesse. Mais il gardera toute sa vie la cicatrice de son acte, cachée sous son foulard devenu célèbre.

Jugé suspect pour ses idées républicaines, il est démis de ses fonctions par le Gouvernement de Vichy le 2 novembre 1940 et tous ses efforts ne pourront rien y faire. A partir de ce moment, il commencera à nouer des contacts avec des groupes de résistance mais réalise bientôt à quel point celle-ci manque de coordination.

 

Lettre de Jean Moulin à sa famille

(15 juin 1940, devant l’arrivée imminente des Allemands à Chartres)

Bien chère maman, bien chère Laure,

Je vous ai peu donné de mes nouvelles, ces derniers jours. La faute en est aux événements tragiques que j’ai vécus.

Quand vous recevrez cette lettre, j’aurai sans doute rempli mon dernier devoir. Sur ordre du gouvernement, j’aurai reçu les Allemands au chef-lieu de mon département et je serai prisonnier.

Je suis sûr que notre victoire prochaine – grâce à un sursaut d’indignation du reste du monde et à l’héroïsme de nos soldats (qui valent mieux que souvent l’usage qu’on en a fait) – viendra me délivrer.

Je ne savais que c’était si simple de faire son devoir quand on est en danger.

Je suis en bonne santé malgré les fatigues de ces derniers jours.

Je pense à vous de tout mon cœur.

Jean.

P.S. Si les Allemands – ils sont capables de tout – me faisaient dire des choses contraires à l’honneur, vous savez déjà que cela n’est pas vrai.

 

Sa rencontre avec Charles de Gaulle et son engagement dans la résistance

En oussé par les derniers événements et notamment l’invasion de l’URSS par l’Allemagne (1941), Jean Moulin décide alors de rejoindre clandestinement l’organisation de la résistance à Londres ,et par la même occasion, Charles de Gaulle. 

Par la suite, il rentre brièvement à Londres le temps de faire son rapport et de se faire décorer de la croix de la libération, puis est chargé de former et diriger le Conseil national de la Résistance dans le but de réunir toutes les organisations (mouvements, partis politiques et syndicats) sous une même entité politique.

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Trahi, torturé et tué

La première réunion du CNR a lieu le 27 mai 1943, à Paris mais les conflits sont toujours bien présents et l’arrestation du chef de l’Armée secrète, le général Delestraint contraint Jean Moulin à organiser une réunion d’urgence pour se réorganiser.

Le 21 juin 1943, la Gestapo envahit le lieu de rassemblement et arrête tous les participants présents. L’hypothèse d’une trahison semble plus que probable. Rapidement identifié, Jean Moulin est conduit à Lyon puis au siège de la Gestapo à Paris afin d’y subir les tortures sadiques du tristement célèbre Klaus Barbie, déterminé à lui soutirer des informations par tous les moyens.  Il ne cède pas.

Ses tortionnaires l’envoient finalement à Berlin qu’il n’atteindra jamais. Officiellement, Jean Moulin est décédé suite à ses blessures le 8 juillet 1943 mais la date reste incertaine.

Le , le corps présumé de Jean Moulin ou du moins celui d’un « ressortissant français décédé en territoire allemand », est rapatrié en France, incinéré puis déposé au cimetière avec la simple mention « Inconnu incinéré ». Ce n’est qu’en 1945 que sa famille fait déplacer cette urne dans le carré de la Résistance du cimetière.

 

Son entrée au Panthéon

Les cendres de Jean Moulin sont transférées au Panthéon le 19 décembre 1964. Son nom entre ainsi dans l’histoire, porté par le discours solennel d’André Malraux qui fait de lui un symbole, une figure, un héro.Transfert des cendres de Jean Moulin (photo par LeFigaro)

Ce discours est souvent considéré comme l’un des plus grands discours de la République française, je vous en laisse un « bref » extrait plus bas.

 

Discours d’André Malraux lors de l’entrée au Panthéon de Jean Moulin

Monsieur le président de la République,

Sans la cérémonie d’aujourd’hui, combien d’enfants de France sauraient son nom ? Il ne le retrouva lui-même que pour être tué ; et depuis, sont nés seize millions d’enfants…

Puissent les commémorations des deux guerres s’achever par la résurrection du peuple d’ombres que cet homme anima, qu’il symbolise, et qu’il fait entrer ici comme une humble garde solennelle autour de son corps de mort.

Comment organiser cette fraternité pour en faire un combat ? Certes, les résistants étaient des combattants fidèles aux Alliés. Mais ils voulaient cesser d’être des Français résistants, et devenir la Résistance française. C’est pourquoi Jean Moulin est allé à Londres

Jean Moulin n’a nul besoin d’une gloire usurpée : ce n’est pas lui qui a créé Combat, Libération, Franc-tireur. Ce n’est pas lui qui a créé les  mouvements de la zone Nord. Ce n’est pas lui qui a fait les régiments mais c’est lui qui a fait l’armée. Il a été le Carnot de la Résistance.

Attribuer peu d’importance aux opinions dites politiques, lorsque la nation est en péril de mort, c’était certainement proclamer la survie de la France.

Le témoignage le plus émouvant a été donné par le colonel Passy.  » Je revois Moulin, blême, saisi par l’émotion qui nous étreignait tous, se tenant à quelques pas devant le Général et celui-ci disant, presque à voix basse :  » Mettez-vous au garde-à-vous « , puis :  » Nous vous reconnaissons comme notre compagnon, pour la libération de la France, dans l’honneur et par la victoire « . Et pendant que de Gaulle lui donnait l’accolade, une larme, lourde de reconnaissance, de fierté, et de farouche volonté, coulait doucement le long de la joue pâle de notre camarade Moulin. Comme il avait la tête levée, nous pouvions voir encore, au travers de sa gorge, les traces du coup de rasoir qu’il s’était donné, en 1940, pour éviter de céder sous les tortures de l’ennemi ».

Le 9 juin, le général Delestraint, chef de l’Armée secrète enfin unifiée, est pris à Paris.

Aucun successeur ne s’impose. Il veut donc désigner ce successeuret rencontrera leurs délégués le 21, à Caluire.

Ils l’y attendent, en effet.

La Gestapo aussi.

La trahison joue son rôle, la Gestapo tient le chef de la Résistance.

En vain. Le jour où, l’agent de la Gestapo lui tend de quoi écrire puisqu’il ne peut plus parler, Jean Moulin dessine la caricature de son bourreau. Pour la terrible suite, écoutons seulement les mots si simples de sa soeur :  » Son rôle est joué, et son calvaire commence. »

Comprenons bien que, pendant les quelques jours où il pourrait encore parler ou écrire, le destin de la Résistance est suspendu au courage de cet homme. Comme le dit Mme Moulin, il savait tout.

L’hommage d’aujourd’hui c’est la marche funèbre des cendres que voici. À côté de celles de Carnot avec les soldats de l’an II, de celles de Victor Hugo avec les Misérables, de celles de Jaurès veillées par la Justice, qu’elles reposent avec leur long cortège d’ombres défigurées. Aujourd’hui, jeunesse, puisses-tu penser à cet homme comme tu aurais approché tes mains de sa pauvre face informe du dernier jour, de ses lèvres qui n’avaient pas parlé ; ce jour-là, elle était le visage de la France…

André Malraux, le 19 décembre 1964.

(je me suis efforcée de faire une selection des meilleurs passage mais ils étaient nombreux…)

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Son meurtrier ?

René Hardy n’était pas convoqué à la réunion, il s’y est pourtant présenté. Pourquoi? Nombre de résistants suspectent ce dernier d’avoir indiqué à Klaus Barbie le lieu précis de cette réunion secrète. D’autant plus que l’homme, arrêté, puis relâché par la Gestapo quelques jours auparavant, est d’ailleurs le seul à s’être évader. Après la guerre, il comparaît dans deux procès en 1947, puis en 1950, qui l’accusent d’avoir dénoncé Jean Moulin aux Allemands. Mais nous n’avons aucune certitude et le mystère sur cette identité restera sans doute à jamais irrésolu.


 

Mes Sources

Académie de Bordeaux

Fondation Résistance

Herodote

Histoire pour tous

Dans nos cœurs

Je suis mort

L’Internaute

http://vbonhushist.11vm-serv.net/pages/moulin.htm

Wikipedia

Le livre « Jean Moulin et ceux qui n’ont rien dit » de Dominique Gaussen et Alain Mounier.